Ma foi oui. Les temps sont durs les amis. Tellement complexes qu'il est parfois difficile de savoir quel peton avancer pour ne pas reculer. Pour vous la faire courte, alors que sonne la fin de mon stage, j'avais prévu de rester à Bruxelles-la-Belle quelques mois, et d'y exercer le doux métier d'Amélie Poulain dans un salon de thé. Ceci combiné à la réalisation en parallèle de mes projets de gribouilleuse de mots et de jeune-fille/femme perdue en quête de son identité. Mais voilà. La délicatesse des viennoiseries, le joli goût sucré des confitures maison, la forme adorable des petites théières qui crache leur Earl Grey fumant... et ben tout ça a joyeusement foutu le camp de ma tête de rêveuse, en laissant place à l'envers du décors, cet espèce d'enfer sans nom, qui m'a infligé des bleus sur les bras, des courbatures jusque dans mes orteils, des cernes qui traînent par terre... choses que j'aurais pu accepter en serrant les dents (je suis naïve, mais il y a quand même des limites) s'il n'y avait pas eu ce mépris pour la novice dans le métier que je suis, ces mots durs, trop forts, croassés par des bonhommes qui se donnent à tort le droit de les fourrer dans leur bec. C'est dans ce genre de situations que l'on saisit toute la dimension mesquine des rapports de force, que l'on comprend que la loi du plus fort n'est pas toujours imposée par le plus costaud. A 6h30 du matin, alors que je m'abîmais joyeusement les mains sur un presse-agrumes, j'ai réalisé que j'avais malgré moi été façonnée pour réfléchir, et que la vie simple et sans nuage boursouflé dans le cerveau que j'avais imaginé n'était peut-être pas ce à quoi j'aspirais en réalité. Vendre du pain viennois et servir des marquises au chocolat est pour moi (et à ma grande surprise!) sacrément vide de sens, figurez-vous. Pondre la recette de ces dernières, travailler sur le moelleux du pain en question, voilà qui est extrêmement mignon. Parce qu'il n'y a rien de plus chouette que l'acte de la création. J'affirme cela du haut de la Nénette que je suis, bien sûr, et tout ceci n'est que mon avis de grande prêtresse des esprits tortueux. Bref. Grosse remise en question, donc. J'ai découvert avec étonnement que je n'aimais pas qu'on me donne des ordres, et que je savais répondre un peu vertement, quelquefois. C'est déjà une belle découverte me direz-vous. Et également que, quoi que j'en dise/pense, cette longue formation scientifique m'a hissé quelque part, au dessus de quelque chose, vers de belles aspirations d'ambitieuse, non scientifiques certes, mais elle m'a donné la folle idée qu'elles pourraient être réalisables. Malheur, moi qui me disait simple et prête à m’accommoder de peu. Je me découvre un orgueil grassouillet. Et bien soit. Mes plans changent, je rentre en France. En ce moment j'oscille entre Paris et Bordeaux. Et seules les deux semaines d'intense cogitation qui m'attendent auront raison de mon choix. En attendant, j'ai bien envie de vous pondre un billet dédié à la joie des petits boulots... Petit boulot auquel je suis quand même très fière d'avoir survécu. A très vite donc! Bises