Le Petit Mousse
_____Il se tient près du grand mât, comme pour s’enchaîner au ciel. Le petit mousse est aveugle d’un œil, l’autre est sa fenêtre sur l’humanité, l’épicentre verdoyant d’un monde métallique. Le remous des vagues l’écœure un peu, et l’écume blanche que le bateau brasse sur son sillage mime un peu la farandole des cailloux du Petit Poucet. Le petit mousse ferme son unique œil et se concentre. Il est ce personnage de contes, ce petit être dépassé par sa propre solitude. Alors que fait-il en pleine mer, dans son habit de corsaire ? Il ne le sait plus lui-même, il a embarqué pour l’aventure, pour la douce saveur de ce bonbon acidulé qu’est l’inconnu. Vivre pour respirer, et non plus respirer pour vivre. Pourtant l’air salé qui vient se loger dans ses poumons est comme imprégné de mensonge. Le petit mousse s’accoude au parapet, il voit le bleu du ciel, le bleu de la mer, et se sent prisonnier du tout qu’ils forment, menacé par cette nature dans laquelle il s’est engouffré la tête baissée, comme porté par un vent de liberté. Et s’il avait été trop prétentieux ? Trop fou d’avoir cru que la mer serait une alliée dans sa quête de pureté ? Et tandis que les rouleaux lacèrent obstinément la coque du bateau, il commence entrevoir la certitude qu’il n’y aura pas de temps pour un retour. Que l’immensité aura raison de lui, et qu’à défaut de le rendre maître de cette frêle petite chose qu’est son destin, elle lui enseignera la sagesse.
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____Cent années ont coulé sur sa nuque et il se tient près du mât, comme pour anticiper l’ascension finale. Le petit mousse n’est dorénavant petit que par la taille et les stigmates sur sa peau brunie sont les plus beaux témoignages de sa survie. Il n’est plus qu’une vieille toile distendue, pourtant il est entier et dans son unique œil scintille le bleu dans lequel il s’est finalement trouvé. Le petit mousse est un petit grain de sable en équilibre, il ne parle plus mais il écoute, il ne lit plus mais il contemple, et le murmure incessant des vagues reste ce secret qu’il n’a pas osé profaner. Le ciel, la terre, la mer, la brise du vent sont ses étendards, et surtout de bien meilleurs amis que l’homme. Homme qu’il n’est plus aujourd’hui, non, il est l’odeur salée sur sa propre peau, il est le bruit sec de la voile qui claque, il est le bois du mât qui soutient son vieux corps cicatrisé, il n’est qu’un petit mousse, et son nom a des allures de bulles de savon.
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____Alors dans un dernier effort il ôte son vieux couvre-chef rapiécé, et s’agenouille sur le pont, il pèse de tout son poids sur ce sol qu’il a mille fois briqué et qui brille de ses efforts, il pèse de tout son poids vers la mer, celle qui lui a offert sa plus belle prise. Sa sérénité. Le petit mousse s’asphyxie sous le soleil. Et son dernier souffle sonne comme une poésie silencieuse.
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____Cent années ont coulé sur sa nuque et il se tient près du mât, comme pour anticiper l’ascension finale. Le petit mousse n’est dorénavant petit que par la taille et les stigmates sur sa peau brunie sont les plus beaux témoignages de sa survie. Il n’est plus qu’une vieille toile distendue, pourtant il est entier et dans son unique œil scintille le bleu dans lequel il s’est finalement trouvé. Le petit mousse est un petit grain de sable en équilibre, il ne parle plus mais il écoute, il ne lit plus mais il contemple, et le murmure incessant des vagues reste ce secret qu’il n’a pas osé profaner. Le ciel, la terre, la mer, la brise du vent sont ses étendards, et surtout de bien meilleurs amis que l’homme. Homme qu’il n’est plus aujourd’hui, non, il est l’odeur salée sur sa propre peau, il est le bruit sec de la voile qui claque, il est le bois du mât qui soutient son vieux corps cicatrisé, il n’est qu’un petit mousse, et son nom a des allures de bulles de savon.
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____Alors dans un dernier effort il ôte son vieux couvre-chef rapiécé, et s’agenouille sur le pont, il pèse de tout son poids sur ce sol qu’il a mille fois briqué et qui brille de ses efforts, il pèse de tout son poids vers la mer, celle qui lui a offert sa plus belle prise. Sa sérénité. Le petit mousse s’asphyxie sous le soleil. Et son dernier souffle sonne comme une poésie silencieuse.
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