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[ TREEEES VIEUX TEXTE, MAIS QUE VOULEZ VOUS QUAND L'INSPIRATION NE VEUT PAS...]
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- Je voudrais que le monde s’écrive, qu’on ne lise plus dans un regard mais entre deux mots bien placés. Je voudrais que chacun se construise en se poétisant, je voudrais lire en chacun de vous, je rêve de feuilleter vos pages, et de m’écrire entre deux chapitres. D'exister dans un vers, de me deviner menottée à une interligne, ou derrière un alinéa. Je pourrais vous dire que cette obsession est née un fameux mardi quatorze octobre deux-mille-cinq, en cours de philo, qu’un éclair de lyrisme m’a brusquement terrassé et que j'ai entrevu la vérité. Mais entre nous, vous faire gober ça serait vous prendre pour des truites nucléaires convertibles en canapé-lit. Parce qu’un déclic ça n’existe pas, et qu’en cours j’étais bien trop obnubilée par le coloriage méthodique des mes feuilles à petits carreaux pour soliloquer sur mes propres interférences existentielles si vous voulez savoir. En réalité, et pour être tout à fait honnête, l'idée d’un débarbouillage spirituel a pointé son nez sans que personne ne l'ait invitée, et j'ai subitement décidé de m'écrire, à défaut d’écrire. Parce que je suis une Nénette, que je traîne vingt années dans mon dos sur une pente plus glissante qu’une savonnette, et que je cherche désespérément à coller une étiquette à ma vie. Pas une vulgaire étiquette de bagages, non, plutôt une de ces mignonnes petites choses qu'on voit sur les pots de confiture à la myrtille vous voyez, à l'écriture ciselée toute pomponnée. Oui coller une étiquette à ma vie. La labelliser. La synonymiser, à défaut de pouvoir lui apposer une définition. Parce qu'on a tous cette incompréhension en nous, ces élans de désespoirs criant de sincérité qui nous transcendent lorsqu'en trimballant sa vie, on la cogne à celle d'un autre, en prenant tout bêtement le train, en s'engouffrant dans une rame bondée ou en posant ses fesses sur le cuir élimé du siège d'un bus. Parce qu'on se heurte à la réalité, à l'humanité, à la différence, à ce qui pourrait être nous mais qui ne l'est pas. Rien n'est plus terrifiant que le regard de son voisin, rien n'est plus oppressant que ces vies suspendues autour de nous, qui jouent aux boules de cristal dans nos oreilles et se heurtent à notre propre sphère dans un écho aigu. Avouez. On est tous des philosophes de l'inconnu, plus ou moins torturés, des mecs et des nanas alambiqués aux mécanismes synchrones, qui cherchent la vérité dans un appel de phare, un battement de cil ou une faute de frappe. Alors oui j'ai décidé de m'écrire, de me raconter pour vous raconter, de me dire en vous décrivant. Je m'en vais vous griffonner la vie, de haut de mes deux malheureuses dizaines, dans tous les sens, à la va-vite ou à tête reposée, entre deux cours de droit du travail ou la tête appuyée contre la vitre du train, ou encore tyrannisée par une insomnie, et je me marre, je ris toute seule de ma prétention et de mon outrecuidance. Parce que rien n'a commencé ce fameux mardi quatorze octobre deux-mille-cinq et que tout se fait aujourd'hui. Parce que la vie n'est qu'une tarte aux prunes légèrement cramée sur les bords, et qu'à défaut d'être nées du même moule, on sort tous du même four, oui pour tout ça j'ai bien envie qu'on caramélise ensemble. Alors j'ai décidé d'écrire notre encyclopédie de manière non encyclopédique, de nous rendre hommage pour nous trouver un sens, de nous écouter pour m'aider. Un peu. Ma vie est un soap opéra bien ficelée, pourtant j'écris ces lignes en me demandant ce qu'on peut bien écrire entre deux mots, en me demandant ce que je pourrais bien écrire dans la suite. Alors si brusquement je m'arrêtais, pour mieux continuer_?
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