dimanche 28 juin 2009

Nénette Fait Du Barbouillage.

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_ Confessions d'une couleur

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____Je suis la mal aimée, celle qu’on n’assortit pas, je suis le crayon de couleur intact au fond d’une trousse d’enfant. Je n’existe même pas sur un gribouillage maladroit, ou bien trop peu. Je suis le soleil pourtant, l’éclair, l’étoile, mais qui se soucie aujourd’hui de ce qui se trame au coin du ciel ? Voilà pourquoi je m’étale étroitement sur un coin exigu de la feuille de dessin, en habitante illégitime de cette horizontale qui figure le ciel en osant naïvement le limiter, entre la brioche boursouflée d’un nuage qui cligne de l’œil et la silhouette disproportionnée d’un oiseau. Même si elles me dénaturent, je bénis pourtant ces mains d’enfants qui m’insufflent la vie en me faisant exister dans une parcelle de soleil, ou la blondeur des cheveux d’une Maman au buste trop long, à la peau trop rose.
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Ailleurs, je n’ai pas trouvé de sens véritable. Je suis une couleur utilitaire, un ingrédient. Je rehausse mes voisines de palette, je suis l’éclat du vert émeraude, le feu de l’orange crépitant. Et entre les lignes de l’arc-en-ciel, j’ai des allures d’intrus invisible, d’erreur inopinée. Je suis une information, je suis l’encre du surligneur de l’étudiant, je suis l’enduit des lambris glacés de l’armoire à produits dangereux dans la salle de TP. Je suis l’alternative pratique, la solution en cas d’hésitation, oui, je suis la couleur des murs de la chambre du bébé lorsque les parents préfèrent avoir la surprise. Je suis un concept hybride, je picote et fais cligner des yeux mais je n’éblouis rien. Je suis gênante, agaçante, et pourtant trop claire pour être discernable. Je ne transcris rien, mon encre n'alimente aucune plume, je n’ai jamais écrit la moindre bribe, la moindre miette de mot, la lumière me rend invisible et la nuit ne me dévoile pas pour autant. Même les fleurs semblent moins jolies lorsque je me mélange à leurs pétales.
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Et lorsque dans un élan de désespoir, je cisaillerai le fil de ma demi-vie sans mémoire, je ne deviendrais même pas mon propre éclat un peu terni, mais une tâche orangée sur le sol, une flaque mal mélangée, une odeur de sang qui salit quelque chose, quelque part. Et ce sera la fin méritée d’une existence secondaire.
L’épilogue insipide de l’histoire d’une couleur primaire.
Pas de larmes, pas de mains qui se tordent, ni d’ongles qui crissent.
Juste un rire jaune, qui résonne quelque part.
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Et dire que je ne suis même pas la couleur d’un Ipod.


(oui bon en fait si mais ça fait bien de finir comme ça alors chut)


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