dimanche 7 juin 2009

Nénette S'en Remet Au Soleil.

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Un enfant se tient dans le creux ombragé du parc, et sur son visage sont dessinés les contours ensoleillés des feuilles de l'arbre centenaire qui ploie au dessus de son petit corps. Autour de son poignet s'étire un fil blanc, au bout du fil plane un ballon rouge. A deux pas de l'arbre deux tiges de roseaux se noient dans une vaniteuse flaque qui se prétend mare. A la surface de l'eau trois cercles concentriques se grandissent, sous ces cercles s'agite un poisson rouge. Autour d'eux s'étend un silence froissé par le clapotis de l'eau, ou le bourdonnement d'un insecte. La nature est belle, quand elle est bien rangée.

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Un ballon rouge, un poisson rouge. Une entaille rouge sur le bras de l'enfant. Trois fois rien. Une bêtise de cours de récréation pourrait-on supposer en se fendant d'un sourire. Pourtant l'enfant ne va pas à l'école. Et cette blessure il se l'est infligé. A peine six ans d'existence et il a déjà tout multiplié. Les voitures bleues par les voitures rouges, les grains de sel par les grains de poivre, les battements de cils par les froncements de sourcils. Six ans qu'il n'accepte plus de manger que des aliments découpés en carrés parfaits, ne boit dans un verre que s'il est plus transparent que l'eau qu'il contient, ne parle pas, refuse de porter du vert, ou encore perd violemment, et jusqu'à se blesser, le contrôle de son petit corps lorsqu'il s'agit d'aller au parc. Car l'enfant n'aime pas le parc. Il déteste cette foule désordonnée de détails qu'il assimile malgré lui, les feuilles des arbres dont il ne peut s'empêcher de retenir le dessin des nervures, les tiges de roseaux dont il estime inconsciemment l'angle qu'elle font avec la verticale, il déteste ces cercles qui s'étirent vers lui et la simple vue d'un poisson prisonnier de l'eau lui coupe la respiration. Il la déteste cette nature si mal rangée, il la haît.

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Il a six ans et il se tait. Et s'il est muet, c'est de compréhension. D'assimilation de ce monde qu'il a mis en équation. Son intelligence est un fardeau qu'il porte à bout de bras, un fardeau car elle lui a tout révélé. Ecartelée entre le bien et le mal, il la voit, la vérité. Elle l'éblouit, sans même scintiller, pourtant lui la contemple sans ciller. Et dans son regard d'enfant plane l'ombre d'un vertige mal épellé. Car ce vide-là s'étend à l'infini, plus haut encore que le sommet de l'arbre centenaire qui ploie au dessus de son petit corps. Alors l'espace d'un instant il se débarrasse des lettres, des chiffres qui s'emêlent entre ses tempes, par sa pensée il les concentre au coeur du ballon rouge, puis il détache le fil de son frêle poignet. Pour une seconde il se diminue en se délivrant de sa clairvoyance.
Une seconde de quiétude.
Et le ballon rouge se perd dans un nuage, près du soleil.

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Je finis de planter mes partiels et je reviens.___

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