jeudi 28 juillet 2011

Nénette Se Présente.




« Vous êtes adorable. Non vraiment, vous êtes trop chou. Mais vous allez vous faire bouffer. »



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... alors que mon fœtus de recueil s’apprête à être distribué sur la toile d’araignée du Net et dans le monde réel, qu’il est temps de faire un point sur la Nénette que je suis, sur ce que je fous à Bruxelles, et ce que je vais foutre ailleurs, un jour. Bon pour l’instant, pas grand-chose figurez-vous. Car il se trouve que je vis en princesse au pays d’Amélie Poulain, ma tour est une butte nommée Montmartre, je porte des chaussettes à pois verts et prends mon pied en plongeant mes doigts dans les bacs d’épices. Sincèrement, je crois que mon existence, spirituelle en tout cas, pourrait en effet se résumer au port de chaussettes vertes à pois, et à la joyeuse euphorie des bacs d'épices. Elle le peut certes, mais hélas pas pour très longtemps. En décrochant ce stage de gratteuse de cailloux gaulois à Bruxelles, j’ai un peu cru que je redémarrais du bon pied. Que j’avais trouvé du cool, du chouette, de l’ébouriffant dans la chimie, et qu’à la suite de ce stage, après une petite année sabbatique passée à vendre des jonquilles ou du chocolat près du quartier des fripes et à gribouiller mon nouveau manuscrit, je pourrais finalement, et contre toute-attente, continuer à me réaliser dans la chimie en restaurant la Joconde ou en analysant les pierres précieuses du sarcophage de Toutankhamon. Mais il se trouve que je suis paraît-il très chou, mais complètement utopiste. Et que je n’ai pas, et n’aurai certainement jamais, la clé de certaines portes. Où je vais-je n’en sais donc fichtre rien, mais en tout pas en thèse, n’en déplaise à certains.






... quand je réalise à quel point les choses ont changé en quelques années, j’en ai des frissons dans l'auriculaire. Lorsque par exemple ma colocataire, qui me voit traîner sur les vide-dressing et remplir des paniers fictifs sur ASOS, me dit qu’elle ne comprend pas pourquoi je n’ai pas fait des études de stylisme, et que j’ai, alors qu’elle prononce ces mots, une image flash de moi-même, à 15 ans, le cheveux hirsute et la caleçon Jacadi fraîchement raccommodé par maman(j’exagère à peine, et je pense que Leeloo, si elle passe par là, comprendra l'allusion au caleçon). Lorsque je reçois un courrier officiel m’annonçant que mon recueil sort dans peu de temps et qu’il y a à peine quelques mois je me renversais encore ma burette de cyclohexane dessus en me disant que je ne me trouverai jamais. Lorsque je me vois dans un chocolat chaud fumant, assise dans notre salon sous les toits, tout en vieux parquet, meubles de brocante et poutres apparentes, trois ans après l’épisode du studio rempli de blattes veillé par une concierge frustrée et obèse. Lorsque mon amoureux m’embrasse dans le cou et me murmure à l’oreille des mots doux, quand il y a moins de dix ans les garçons me traitaient de druide gaulois (sûrement pour la moustache, indeed) et ne venaient vers moi que pour me taxer mes exercices de maths. Arf. Heureusement pour nous, pauvres ex-gamines barbues victimes des blattes et anormalement douées en maths, les temps changent, la poitrine pousse (enfin tout est fortement relatif), et les choses s’adoucissent. Le plus drôle dans tout ça, c’est que derrière mon rideau de frange, mes lunettes XXL et ma robe Urban Outfitter, je suis toujours la même môme névrosée, les poils de yéti en moins, certes.







... oui. Je n’ai pas perdu mon fort potentiel en rougissement foudroyant, ma timidité devant les beaux garçons, ma peur de prononcer un mot lorsque mon public excède deux personnes (un beau garçon comptant pour trois). J’ai gardé ma fragilité, mais aussi ma témérité, et j’ai gardé mes peurs. Peurs malgré lesquelles, en cinq années depuis le BAC, j’ai vécu dans des villes sublimes, j’ai embrassé des garçons se distinguant enfin de la catégorie « puceaux impatient de passer de l’autre côté de la barrière», j’ai bu des Mojitos, me suis enrichie de musiques incroyables, appris pour de vrai qui étaient mes amis, ai fait de Paris ma copine, ai dodeliné de la tête à des concerts qui se jouaient hors du temps, j'ai chanté sur les vibratos d'une guitare, j'ai lu le génie Kundera, ai envisagé Dieu et me suis mélangée pour de bon à un autre. Certes, j’ai également très sensuellement vomi de la vodka près d’un arrêt de tram (entre autres) et connu ma période tee-shirt tektonik (mon dieu ce mot existe-t-il encore ?), chaussures glitters à scratch, sweat à pois et collier-menottes, mais grâce au Dieu de la remise en question tout ceci est derrière moi. Alors ma foi je ne sais pas où je vais, Paris, Bruxelles, petit boulot, grands tracas, gloups dans le grand bain des études… Est-ce que je recommence tout, est-ce que je crée à partir de ce que j’ai déjà ? Suis-je prête ? Ou plus urgent encore : est-ce que j’achète cette jupette ? Non je ne sais pas où je vais.


Mais j’y vais, tout compte fait.



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