dimanche 17 mai 2009

Nénette Capte Putôt Mal.

_



La tonalité du téléphone, les notes qui s'égrènent au creux du combiné, c'est comme l'écho de sa propre attente. Une sorte de reproduction sonore du défilement de nos pensées, du premier "J'ai besoin de t'entendre pour une raison particulière" jusqu'au "J'aurai absolument voulu te parler" terminal, jusqu'au cliquetis sec de la touche qu'on enfonce pour couper court à ce dialogue muet entre soi-même et ce silence crypté. Je trouve qu'un appel manqué, dix, quinze secondes d'attente dans le vide, suffisent à évaluer l'affection qu'on porte à la personne en question. Trois sonneries et la quatrième, décisive, est le couperet qui vient trancher le noeud entre deux alternatives précises. Parce que la suivante sonnera comme une excuse, ou comme un regret. L'excuse, d'abord. Plate comme une limande. L'excuse faite à soi-même, l'excuse de ne pas aimer l'autre, ou l'excuse de sa propre lâcheté. Les sonneries se succèdent, sur leur rythme se calque le passage d'une illusion à la réalité. Je t'appelle, je t'appelle à contrecoeur je crois, je n'ai pas envie de t'appeler pourtant je t'appelle, tu n'es pas là, tant-mieux-déguisé-en-tant-pis. L'excuse ne répond pas à un élan mais à une poussée anonyme dans le dos. Et on raccroche précipitement avant même que le répondeur ne se déclenche, comme pour assassiner le dernier risque, et non pas la dernière chance. Celle-là on l'a déjà tué depuis longtemps. Le regret, ensuite. Cette petite bestiole sous-jacente, toujours planquée au creux de nos reins, qui vient nous tirailler dès qu'elle nous manque un peu trop. Le regret est le cousin jumelé de l'espoir, ou son dédomagement en cas de perte. En bonne mauvaise-copie, il grandit avec lui et le singe, mais dès que l'autre disparaît, il enfle et se déforme de sa vraie nature. Quatrième sonnerie. Il, elle ne répondra. Cinquième. J'étais prêt pourtant, j'y croyais. Les sonneries s'égrènent à leur rythme, et celui des battements dans notre poîtrine s'en désynchronise en s'accélérant. L'attente n'est pas fictive. D'ailleurs cette fois-ci on laisse parler la voix aux intonations métalliques parce que, même si elle n'est qu'une version robotisée de l'autre, elle le symbolise un peu. Puis il y a le bruit du combiné qu'on repose, qui sonne juste, et le silence, bruyant de pensées.

-
Quinze secondes. Même pas le temps de réchauffer un brownie au micro-onde, mais assez pour évaluer l'être humain qui se débat sous notre peau.

__

_
Rendez-vous sur Hellocoton !

0 commentaires - ajouter un commentaire: