dimanche 3 mai 2009

Nénette Se Mouille.


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______Deux Flaques.

Au fond tout se ramène à ça. Deux flaques anodines qu’un peu de pluie a élargi sur un trottoir mouillé. Deux flaques qui n’auraient pas été là si le trottoir n’avait pas été parfaitement coulé, où s’il n’avait pas été inexorablement façonné de creux et de bosses par le temps, par vos pas, par les miens. Parce que chacun d’entre nous, à sa manière, a contribué la naissance de ces deux flaques. Aujourd’hui elles sont là, et subitement c’est comme si la Terre avait ouvert deux yeux étonnés et nous fixait de toute la force de sa rétine translucide. Et que voit la Terre, alors ? De quoi a l’air le monde vu de dessous, du bas de ces flaques dissymétriques ? Il y a d’abord le ciel, plombé de boules cotonneuse qui dégorgent de leur eau, les gouttes qui dégringolent, deux par deux, trois par trois, en réalité c’est un essaim de gouttes qui se fraye un passage dans la brise un peu fraîche, comme les marques d’un gros chagrin que quelqu’un là haut n’a pas su réprimer. Puis il y a les toits mouillés, les gouttières qui crachent leur flot sale, les arbres qui ploient, les feuilles qui lâchent prise. Vu de dessous cette nature qui penche a comme un air menaçant. L’eau étouffe les sons, les oiseaux ne chantent même plus, d'ailleurs ils ont tous foutu le camp. Il n'y a plus que ce gris indélébile qui colorie progressivement le paysage, sans trop dépasser. Et cette ambiance humide prend des allures de déluge microscopique, de désastre inopiné, de carnage d’un autre genre. Un peu comme si la nature saignait d’un sang qui ne laisse pas de trace. Un peu comme s’il y avait derrière tout ça une histoire d’assassin qui ne se fait jamais prendre. Et enfin il y a ces reflets, ces traductions de nous-même qui enjambent les deux flaques écarquillées et continuent leur route. Et la Terre n’en perçoit finalement qu’un fantôme déformé, tandis que l’ombre du parapluie déployé au dessus de leurs têtes se prend pour une sorte d’auréole hybride, d’image contradictoire engoncée entre le bien et le mal. Que voit la Terre alors ? Des visages fuyants, des regards qui l’occultent, qui rendent à ces deux yeux ouverts sur le sol leur statut de flaques, de parcelles mouillées. De témoignage du temps qui passe, et du temps qu’il fait.
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Et lorsqu’un rayon de soleil franchit ce parcours du combattant qu’est la barrière nuageuse hérissée entre le ciel et les hommes, c’est pour mieux éblouir ces lobes exposés, et, tandis que les deux flaques se rétrécissent, cacher à la Terre ce qui se dissimule dans la lumière, de la vraie couleur du ciel jusqu’au rire d’un enfant qui poursuit un oiseau.
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Deux flaques anodines qu’un peu de pluie a élargi sur un trottoir.
Deux flaques, et voilà pourquoi la Terre nous hait.
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Ambiance! :)_


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